Rescapées, époux de victimes, secouriste, ils ont vu la mort de très près. Hansou Marone a attendu son épouse pour lui servir son thé. En vain. Chamsdine Diouf a perdu et sa femme et le bébé qu’elle portait dans le ventre. Fatou Sarr et Aramata Sonko ont survécu. Elles n’oublieront pas les mises en garde du propriétaire de la pirogue quelques heures avant le drame. Bintou Diouf, elle, rescapée également, entend toujours les cris de détresses de ses collègues à l’heure fatidique. Premier à arriver sur les lieux, après le naufrage, Omar Ndong, habitant de Joal, n’oubliera pas de sitôt son séjour à Bettenty.
El Hadji Hansou Marone, époux de Safiétou Ndour, une des victimes
« Elle n’est pas venue prendre le leweul »
« Ma femme avait l’habitude, après chaque débarquement, de passer à la maison pour prendre le leweul. Lundi, je l’attendais comme d’habitude pour lui servir le thé. Puisqu’elle n’était pas à l’heure habituelle, j’ai mis le leweul de côté pour elle. Le temps passant, j’ai décidé de faire le «deuxième» en espérant la voir avant de servir. Elle n’est pas venue. Je reçus la visite d’un ami avec qui j’ai pris le thé. Au moment de préparer le «troisième », un voisin accourt et m’informe que la pirogue qui transportait mon épouse et les autres femmes a chaviré. Je me suis rendu direct au lieu de débarquement. J’ai perdu connaissance à la vue des premiers corps. Ma femme et moi, nous avions un bébé d’un an. Nous avons fait 15 ans de mariage. »
Chamsdine Diouf, 25 ans, époux de Kadi Seydi, 20 ans
« Elle était en état de grossesse »
« J’ai perdu mon épouse dans l’accident. Je rends grâce Dieu. Nous avons 6 ans de mariage, un enfant. Elle était en état de grossesse pour notre deuxième enfant. Je discutais avec des amis, lorsque j’ai entendu des cris. On a couru à la plage, et là, on apprend la nouvelle. On a pris une pirogue pour aller au lieu du naufrage. Sur place, on récupère des corps. Pas de trace de ma femme. Elle a été acheminée au dispensaire. Elle n’était pas morte. J’ai pu lui tenir le bras et lui parler. Elle m’a juste regardé et a serré mon bras. Elle a rendu l’âme au moment de son évacuation. »
Fatou Sarr, la cinquantaine, rescapée
« Je ne sais pas nager »
« J’ai perdu deux membres de ma famille dans l’accident. Il y en avait 9 au total, que des femmes. Je ne sais pas nager et pourtant je suis née ici et je pratique ce métier depuis 20 ans. Il nous arrive même de conduire nous-mêmes, les femmes, les pirogues pour aller faire notre travail. L’accident a eu lieu sur le chemin du retour. Mais au départ, le propriétaire de la pirogue avait émis des réserves sur le chargement. Il finira par demander à ses apprentis, qui devaient conduire l’embarcation, de le laisser prendre la direction. Il ne s’est rien passé à l’aller. Au retour, avec le chargement de fruits de mer, la pirogue était fortement penchée à l’avant. Pour rétablir l’équilibre de l’embarcation, le propriétaire de la pirogue demande à une partie des voyageurs de venir à l’arrière. C’est lorsque le groupe de femmes cherchait à changer de place que le navire a chaviré. La panique générale n’était pas pour arranger les choses. Je me suis accrochée à une partie de la pirogue jusqu’à ce que le propriétaire vienne me sauver. »
Aramata Sonko, rescapée
« Le propriétaire de la pirogue nous avait averties »
« L’accident est survenu après la cueillette des fruits de mer, sur le chemin du retour. Lorsque nous avons chargé la pirogue, après le travail, le propriétaire de la pirogue nous a une nouvelle fois averties- à l’aller, il s’était plaint du nombre de personnes à bord de son embarcation, mais on ne l’avait pas écouté. Cette fois encore, nous avons fait la sourde oreille lorsqu’il a proposé qu’une partie des voyageurs fassent le trajet à pieds; la distance fait 3 kilomètres et on est en marée basse, donc c’est possible. Nous avons toutes refusé. Lorsque le navire a chaviré, à cause du chargement, je me suis accrochée à une planche en bois jusqu’à l’arrivée des secours. Je ne sais pas nager. J’ai eu de la chance. »
Bintou Diouf, rescapée
« Les cris de détresse des autres femmes raisonnent encore dans mes oreilles »
« On aurait dû écouter le propriétaire de la pirogue. À l’aller comme au retour, il a attiré notre attention sur la surcharge de l’embarcation. Mais on ne pouvait imaginer ce qui s’est passé. Lorsque la pirogue s’est renversée, je me suis accrochée à une partie de l’embarcation sans lâcher prise. Les secours sont arrivés très vite pour me sauver. Jusqu’à présent les cris de détresse des autres femmes raisonnent encore dans mes oreilles. »
Omar Ndong, un des premiers secouristes sur les lieux du drame
« Nous sommes tombés sur un tas de corps sans vie »
« Je suis un pêcheur. Je n’habite pas Bettenty, je suis de Bassoul. Je viens dans ce village quelques mois dans l’année lorsque le poisson se fait rare chez moi. Le jour du drame, je pêchais non loin avec des collègues. Soudain, nous avons aperçu au loin des formes qui flottaient au-dessus de l’eau. Nous sommes allés sur les lieux pour en avoir le cœur net. Nous sommes tombés sur un tas de corps sans vie. Il y avait à côté des rescapés. Nous les avons sauvés. »
(Source : Seneweb)
Par Benjamin.