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Grève des travailleurs de la justice: la souffrance des usagers et le mépris de l’Etat du Sénégal

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Depuis quelques mois maintenant, le système judiciaire sénégalais est paralysé par un mouvement d’humeur des agents du secteur réunis autour du Syndicat des travailleurs de la justice. Semaine après semaine, les mots d’ordre du Sytjust s’enchaînent devant un silence bruissant de la tutelle qui essaie de tenir la dragée haute aux contestataires. Visiblement choqué par la grève qui ne fait que leur attirer la foudre des usagers, le ministère, après avoir échoué de convaincre les syndicalistes, brandit la menace de radiation et utilise des moyens non conventionnels pour tuer le mouvement.

Comme si cette grève ne faisait pas de dégâts, les autorités font montre d’un manque de considération notoire à l’endroit des travailleurs de la justice auxquels elles opposent un silence qui frise la condescendance. Pourtant, il est clairement établi que la grève du Sytjust a son lot de dommages inestimables, lesquels sont fortement subis par les usagers qui savent plus où donner de la tête. Ils sont nombreux en effet, ces Sénégalais qui ont besoin des papiers d’état-civil et qui rentrent toujours bredouille de leurs différentes tentatives. A cause de l’interminable grève des greffiers, des prisonniers qui auraient pu être jugés et libérés se voient obligés de prendre leur mal en patience, en attendant une levée du mot d’ordre qui n’arrivera pas de sitôt. La réponse du gouvernement, par la voie de son ministre et garde des sceaux, n’augure rien de clair quant à l’arrêt prochain du mouvement d’humeur.

Cette grève du Syndicat des travailleurs de la justice, ressentie comme jamais par l’usager sénégalais,  n’a pas pour soubassement de nouvelles revendications. A l’instar de leurs confrères de l’éducation et de la santé, avec lesquels ils forment les trois secteurs les plus laissés en rade, les travailleurs de la justice subissent le wax-waxeet (dédit) du gouvernement, sa manie de vouloir tout renégocier, son fort penchant pour la violation des acquis dûment et durement réalisés. En vérité, les camarades d’Aya Boun Malick Diop, n’ont pas déposé sur la table des points nouveaux, leur seule exigence étant de respecter les accords déjà signés.

Ce problème de la justice a été constaté sous les magistères des ministres Sidiki Kaba et Ismaila Madior Fall. Durant le premier mandat du président Sall, les grèves avaient tellement fait bouillonner le climat social et parmi les acteurs comptables de cette situation figuraient en bonne place les greffiers. Si ses prédécesseurs avaient montré de la bonne volonté pour trouver un terrain d’entente avec les syndicalistes de la justice, le ministre actuel se détourne de tout compromis. Et d’un silence méprisant au début du mouvement, il a fini par adopter une attitude guerrière qui rime mal avec du bon management. Sans avoir jamais fait saliver par la carotte, Me Sall brandit le bâton en invoquant des sanctions diverses, à commencer par Me Aya Boun Malick, le chef de file du mouvement.

Menaces de radiations au lieu de s’attaquer à la racine du mal

Comme ce fut le cas avec les enseignants en 2016, le gouvernement du président Sall s’imagine des solutions radicales pour venir à bout de la grève. Après avoir échoué de convaincre par la force de l’argument, qu’elles n’ont pas bien manipulée au demeurant, les voilà qui tentent derechef de vaincre par l’argument de la force. Au vu de la manière dont la crise dans le département de la justice est gérée, il faut dire sans hésiter que le secteur est en manque de génie manager. Or, en tant que praticien du droit, les services du ministre de la justice doivent savoir mieux que quiconque que la force, aussi brutale qu’elle puisse sembler, ne pourrait prendre le dessus sur les convictions, fussent-elles illégitimes.

C’est pourquoi les moyens brandis pour leur faire revenir à la raison témoignent immanquablement de l’amateurisme du ministère. Le jusqu’au-boutisme qu’il veut imposer, loin de tordre le bras des syndicalistes, ne fait que causer du tort aux usagers. Le plus grand en est d’ailleurs le fait de recourir à des greffiers ad hoc pour faire le travail des grévistes. Quand bien même ils seraient formés, la décision de la tutelle d’assurer la continuité du service en tablant sur les pénitenciers est un précédent dangereux contre lequel doivent se lever tous les leaders d’opinion, la société civile et les acteurs pour la défense des droits de l’homme. Il faut dire, par devoir de vérité, que les greffiers ne sont pas la cinquième roue du carrosse du système judiciaire, ils en demeurent l’épine dorsale même si le gouvernement, de par ses agissements, tente de nous convaincre du contraire.

Une violation flagrante des droits syndicaux et citoyens

Il faut admettre, au vu de l’évolution de la situation crisogène qui existe dans le secteur de la justice, qu’il y a une violation manifeste des droits syndicaux et des droits des citoyens autres. En préférant regarder de haut les agents en grève, qui ne réclament que le respect des accords déjà signés au demeurant, le ministère de la justice sème les germes d’un conflit sans issue véritable. Or, comme il est connu de tous, quand un mot d’ordre est déclenché, aucun syndicaliste sérieux ne se fait à l’idée de suspendre la bataille sans gain de cause. C’est pour cela qu’on assiste à ce jusqu’au-boutisme des grévistes que rien ne convaincra si ce n’est une disposition réelle allant dans le sens de satisfaire leurs demandes, partiellement ou intégralement.

L’échec des négociations, la menace brandie contre le leader du Sytjust accusé d’abandon de poste, l’idée mal réfléchie de radiation des contestataires, le recrutement de greffiers ad hoc (généralement des pénitenciers), n’ont pour résultat que la radicalisation du mouvement. Comme conséquence directe, cette violation des droits syndicaux provoque le retard dans le traitement des dossiers pendants devant la justice. De nombreux justiciables, devant recouvrir la liberté, voient leur détention prolongée parce que tout simplement les greffiers ont tourné le dos aux salles d’audience. C’est d’ailleurs ce qui a poussé des acteurs de défense des droits de l’homme à s’insurger contre les mouvements d’humeur au moment où la centrale syndicale, UNSAS, menace d’aller en grève générale pour soutenir le Sytjust.

(Source : SeneNews)

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