L’enquête sur la mort de Bassirou Faye continue de révéler ses secrets. En présence du Procureur de la République, le témoin principal Sette Diagne s’est livré à un cafouillage pour le moins incroyable. Révélations.
Libération a pu prendre connaissance des grandes lignes de l’enquête de la Division des investigations criminelles (Dic) sur l’affaire Bassirou Faye, du nom de cet étudiant abattu au Campus de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad). Comme nous l’écrivions, hier, tout accable le sous-officier Tombon Oualy, en garde à vue depuis quarante huit heures. Cela dit, des questions légitimes se posent eu égard au comportement de celui qui est considéré comme le témoin numéro un dans cette affaire : l’étudiant Sette Diagne.
En effet, il avait déclaré, lors de ses précédentes dépositions, être en mesure de reconnaître le tireur présumé. Avant-hier, le Procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye, et les éléments de la Dic se sont déplacés à l’Ecole nationale de police en compagnie de Sette Diagne pour une identification du tireur présumé, même si les enquêteurs avaient déjà tous les éléments qui accablait Tombon Oualy. Trois groupes, qui comprenaient les policiers qui étaient sur le théâtre des opération le jour des faits – dont Oualy – mais aussi une dizaine d’éléments pris au hasard ont été formés. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Sette Diagne a désigné le nommé S. M. B comme étant celui qu’il aurait vu tirer. Ce, avant de se rétracter en précisant que celui qu’il avait vu, le jour des faits, était de teint clair et mesurait environ 1,7 mètres.
Sette Diagne désigne le policier S. M. B, qui a quitté le Campus avant 14 heures, puis se rétracte
Entendu sur procès-verbal, S. M. B, qui s’est offusqué de cette grave accusation, a techniquement démonté Sette Diagne. En effet, il a affirmé aux enquêteurs qu’il était bien présent sur le théâtre des opérations le jour des faits. Et que lui et son groupe étaient chargés de surveiller le siège du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud). Mais, lors des échauffourées, il a été blessé à la tête et au bras. C’est ainsi qu’il a quitté l’Ucad vers les coups de 13 heures avant de se rendre à l’infirmerie de l’Ecole nationale de police, puis à celle du Camp Abdou Diassé. Des propos confirmés par le médecin de l’infirmerie de l’Ecole nationale de police, mais aussi par ses collègues qui étaient au front avec lui notamment P. Sarr. Pourquoi donc Sette Diagne l’a désigné avant de se rétracter, si on sait que le policier a quitté le théâtre des opérations bien avant l’heure du crime ? Des investigations supplémentaires devraient élucider ce point.
La douille ne provient pas de l’arme du crime
Mais, ce n’est pas la seule curiosité de cette affaire. En effet, le même Sette Diagne avait ramassé la douille supposée provenir de l’arme ayant tué Bassirou Faye. Il l’a remise au président de l’Amicale des étudiants de Diourbel qui l’a gardée, pendant trois jours, pour ensuite la donner au frère de Bassirou Faye, Assane. Ce dernier gardera la douille pendant dix jours avant que les enquêteurs de la Dic n’entrent en sa possession. Interpellé par les enquêteurs, Sette Diagne avait affirmé que, lorsque les échauffourées ont commencé et que Bassirou est tombé au front, il s’est caché au sein de l’hôpital Principal avant de regagner sa chambre vers les coups de 21 heures.
Et, c’est en évitant des tessons de verre, qu’il aurait vu la douille, lui qui se dit friand de films d’espionnage. Selon nos informations, l’expertise balistique a établi que la douille en question ne provenait pas de l’arme du crime. Dans son rapport Alain Mélas, l’expert Français, a écarté cette éventualité notamment en comparant le calibre utilisé par le tireur et la douille. De quelle arme provient donc cette fameuse douille ? Un autre point sur lequel les policiers devraient travailler à la faveur d’une délégation judiciaire.
Depuis sa cellule, Tombon menace ; Abdoulaye Daouda Diallo signe l’ordre de poursuite
En attendant, les choses se corsent contre le présumé tireur Tombon Oualy. Selon nos informations, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Abdoulaye Daouda Diallo, a signé, hier, l’ordre de poursuite que lui demandait le Procureur de la République. A vrai dire cet ordre n’était pas une nécessité. Comme le présumé tireur n’était pas officiellement admis sur le théâtre des opérations, la procédure civile lui est applicable. En effet, lorsque les enquêteurs l’ont interrogé sur les raisons de sa présence au Campus, Tombon Oualy a renseigné qu’il était chez lui lorsqu’il a entendu la radio parler des affrontements. Et, comme il n’avait rien à faire, il a jugé utile de venir prêter main forte à ses collègues.
Membre de la 43e Promotion de la gendarmerie nationale, Tombo Oualy avait démissionné, deux mois après, à cause des rigueurs de la formation imposée aux élèves-gendarmes. Ensuite, il passera au Groupement mobile d’intervention (Gmi) avant de rejoindre l’Ecole nationale de police. Placé en garde à vue au Port, le meurtrier présumé de Bassirou Faye a commencé à «déconner», hier.
Des témoins assurent qu’il a dit, de sa cellule, qu’il n’acceptera pas de tomber tout seul. Pour dire que son arrestation semble être le début d’une affaire rocambolesque. Car, tout indique que les plus hautes autorités semblent disposer d’informations jusque là inconnues du grand public. En cas de placement sous mandat de dépôt de Tombon Oualy, il a été décidé au plus haut niveau de le mettre dans une cellule individuelle et de le faire surveiller vingt quatre heures sur vingt quatre. De peur qu’il ne soit «effacé» !
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