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Transition aux États-Unis : Donald Trump « a un pouvoir de nuisance limité »

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Une semaine après les élections aux États-Unis, remportées par le candidat démocrate Joe Biden, Donald Trump refuse de concéder sa défaite. Il dénonce des fraudes, sans en fournir les preuves, et a engagé des recours juridiques dans plusieurs États. Une situation qui complique le processus de transition qui prendra fin le 20 janvier 2021 avec l’inauguration du nouveau président.

Alors que le décompte des voix touche à sa fin, l’écart se creuse en faveur de Joe Biden. Les grands réseaux de télévision, y compris la chaîne conservatrice Fox news, l’agence Associated Press ou bien encore l’institut Edison Research (spécialiste des projections électorales) ont tous déclaré le candidat démocrate vainqueur. Une victoire qui devrait être entérinée par le vote des grands électeurs, le 14 décembre. Pourtant, Donald Trump campe sur ses positions : il dénonce une fraude massive et a lancé des recours en justice dans plusieurs États.

Les tensions exacerbées entre les deux camps laissent craindre une période de transition mouvementée qui culminera le 20 janvier 2021 avec l’investiture du nouveau président. France 24 fait le point avec Jean-Éric Branaa, maître de conférences en société et politique américaine à l’université Paris 2 Panthéon-Assas et auteur d’une biographie de Joe Biden.

France 24 : Malgré les résultats qui donnent une large avance à Joe Biden, Donald Trump continue de crier à la fraude, qu’espère-t-il obtenir ?

Jean-Éric Branaa : À mon sens, l’hypothèse la plus probable est que Donald Trump n’arrive juste pas à digérer une défaite qu’il n’a jamais envisagé. Ces allégations de fraude sont totalement fantaisistes et relèvent de la théorie du complot. Dans le Wisconsin, on a voulu faire croire qu’il y avait plus de votants que d’électeurs inscrits, en Pennsylvanie que des morts avaient voté alors qu’il s’agissait d’homonymes ou de membres de leur famille. De nombreux États ont déjà rejeté ces recours et il est bien possible que le jusqu’au-boutisme de Trump relève plus de la sidération et du traumatisme de la défaite que d’une réelle stratégie politique.

Y a-t-il une possibilité que ces recours légaux entraînent un blocage des institutions qui jouerait en sa faveur ?

C’est en effet possible même si c’est peu probable. En cas de litige sur les résultats, il se pourrait que des États aux législatures républicaines comme le Michigan et la Pennsylvanie décident de voter républicain le 14 décembre bien que ces deux États aient été remportés par Biden. En dernier recours il reviendrait alors à la Chambre des représentants de trancher ; or, chaque délégation possède une voix et il y a une majorité de délégations républicaines. Ce vote pourrait donc conduire à un deuxième mandat pour Trump. Il est possible que le camp du président table sur ce scénario, mais il a peu de chances d’aboutir car le décompte des voix est presque terminé, ce qui limite grandement la possibilité de litiges, et qu’une part des élus républicains, légitimistes, pourrait refuser de s’opposer aux résultats de l’élection.

La transition est censée permettre le passage de relais vers la nouvelle équipe, Donald Trump peut-il bloquer ce travail ?

Traditionnellement, au lendemain de l’élection, le perdant reconnaît sa défaite et les équipes travaillent de concert pour préparer le nouveau mandat. Trump, lui, bloque jusqu’au vote des grands électeurs en jouant sur le fait que la victoire doit être officialisée. Un aspect est inquiétant : le récent limogeage de plusieurs membres clés de l’administration – comme le secrétaire de la Défense Marc Esper, son chef d’état-major ou bien encore le sous-secrétaire au Renseignement. Donald Trump pourrait tenter de désorganiser les services dans cette période cruciale. Toutefois, son pouvoir de nuisance est limité car des lois régissent la transition. En face, Joe Biden est loin d’être un novice, c’est un politicien expérimenté qui connaît le système par cœur et il affirme que la transition se passe bien. Il met en place ses équipes ; ces dernières rencontrent les hauts fonctionnaires qui, dans leur grande majorité, sont neutres et respectent les règles.

La campagne a été extrêmement tendue, est-il possible que ce conflit s’enlise et que Donald Trump refuse de participer à l’inauguration le 20 janvier ?

Même si Donald Trump a perdu les élections, il faut lui reconnaître un héritage assez extraordinaire pour les républicains : il a nommé trois juges à la Cour suprême et est considéré comme une véritable star par une partie de l’électorat au point d’avoir augmenté son nombre de voix par rapport à 2016. Il pourrait sortir la tête haute de cette élection, or il termine en faisant de la procédure. C’est son droit mais c’est une nouvelle preuve, s’il en fallait une, qu’il n’a pas la stature d’un chef d’État. Pour autant, ne pas participer à l’inauguration me paraît inconcevable ; cela traduirait un irrespect total pour la fonction de président qui a l’obligation de transmettre le pouvoir à son successeur. Une telle décision mettrait fin à plus de 240 années de tradition ; or si Donald Trump a une personnalité iconoclaste, il appartient à un milieu – celui de la jet-set, avec ses codes – et il doit tenir son rang. C’est également un businessman qui a des intérêts à défendre. Certaines choses ne se font pas, même pour Donald Trump.

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