Évoquant les meurtres de nos compatriotes à l’étranger, vous avez, monsieur le président de Rewmi, critiqué le pouvoir, estimant qu’il gère ces drames avec « légèreté » et « faiblesse ». Pour justifier cette diatribe, vous avez convoqué le devoir de l’Etat de protéger ses ressortissants installés à l’intérieur comme à l’extérieur de son territoire.
M. Idrissa Seck, vous êtes leader d’un parti politique. Vous avez de par le passé occupé les fonctions stratégiques de directeur de cabinet du président de la République puis de Premier ministre. Vous n’avez pas le droit de tenir de tels propos. Vous connaissez la délicatesse des rapports entre Etats ainsi que les règles imposées par la Convention de Genève sur les relations diplomatiques et consulaires.
Vous n’ignorez pas que, même si fermeté il doit y avoir, elle s’exerce dans les conditions de la diplomatie, c’est-à-dire dans le respect des formes, la discrétion, la courtoisie… L’Etat du Sénégal observe ces principes, mais vous savez parfaitement, pour être informé, qu’il a pris toutes les dispositions pour que tous les droits d’Idy Diène, tué en Italie, et de sa famille soient respectés. Vous savez tout autant qu’il a dépêché une mission en Espagne pour prendre langue avec les autorités, défendre les droits de nos compatriotes Mame Mbaye Ndiaye et Ousseynou Mbaye qui y ont perdu la vie, et prendre les dispositions pour éviter de tels drames en l’avenir.
Contrairement donc à ce que vous affirmez, ni légèreté ni faiblesse ne peuvent être imputées au pouvoir sénégalais. Macky Sall, le président de la République, a certes des défauts. On ne peut toutefois pas lui reprocher de manquer de sérieux.
La politique au sens politicien du terme est légitime. La contradiction est le moteur de la démocratie. Mais elle ne s’exerce pas sur tout, en tout, tout le temps. Les intérêts supérieurs de notre pays, ses relations avec les Etats tiers, la vie et la sécurité de nos compatriotes… ne sont pas des questions politiciennes. Ce sont des enjeux transcendants.
Sous d’autres cieux, lorsque des drames de ce type touchent des citoyens, toute la classe politique observe ce qu’il est convenu d’appeler « l’union sacrée ». Les leaders de l’opposition se plient à une réserve de décence et, dans bien des cas, soumettent dans la discrétion des propositions au pouvoir sur ce qu’ils estiment être la meilleure manière de gérer la situation.
Monsieur Idrissa Seck, vous avez le droit, à dix mois de l’échéance cruciale de la présidentielle de 2019, de tirer à boulets rouges, à bout portant et à feu nourri sur votre adversaire, Macky Sall. Vous ne devez toutefois pas faire feu de tout bois. Aspirant à la plus haute fonction de ce pays, vous devez respecter les règles d’élégance républicaine et les murs porteurs des intérêts de l’Etat.
Cheikh Yérim Seck