Des observateurs de la scène politique sénégalaise ont dressé samedi à Dakar un bilan contrasté de l’évolution de la démocratie au Sénégal, une trajectoire caractérisée par un pluralisme de plus en plus ancré mais s’accommodant difficilement d’acteurs la plupart du temps recyclés et qui peinent à dialoguer pour gommer les impairs et susciter un nouveau souffle démocratique.
Ces observateurs, des universitaires, membres de la société civile et des journalistes notamment, participaient à une conférence publique sur le thème « Le Sénégal est-il en panne de démocratie ?’’, à l’initiative de la Fondation Friedrich Ebert.
« Le Sénégal est aujourd’hui considéré comme une vitrine de la démocratie par les observateurs, car n’ayant jamais connu de rupture anticonstitutionnelle de gouvernement (…) mais également en garantissant à tous les citoyens des droits et des devoirs afin que chacun trouve sa place pour pouvoir vivre en paix », a souligné la représentante résidente de la Fondation Ebert, Annette Lehmann.
Malgré tout, « le pays semble rencontrer des difficultés qui renseignent sur la complexité des rapports politiques et la tenue consensuelle des rendez-vous de la démocratie », a fait observer Mme Lohmann, en introduisant les débats.
Le journaliste et analyste politique Mame Less Camara a rappelé que « dès son indépendance et même bien avant », le Sénégal avait « posé les jalons » d’une démocratie avec une pluralité des médias caractéristique d’une liberté d’expression en balbutiante.
Selon M. Camara, le Sénégal peut ainsi se prévaloir d’une longue tradition démocratique ponctuée par l’avènement du multipartisme, l’expérience des gouvernements à majorité élargie, l’élaboration d’un code électoral consensuel en 1997, ainsi que les deux alternances démocratiques en 2000 et 2012.
Il reste que « cet acquis précieux est de nos jours menacé par l’absence de dialogue’’, en raison notamment du « recyclage des mêmes acteurs aux instances de décision’’, lesquels acteurs se trouvent très souvent motivés par des « intérêts crypto-personnels », estime M. Camara.
Selon le journaliste et analyste, ces acteurs sont tout autant « dépourvus de visions partagées », sans compter qu’ils « savent comment se neutraliser mutuellement », d’où la nécessité d’une alternance générationnelle.
Aussi a-t-il appelé les uns et les autres à prendre leurs responsabilités, tant il est vrai que « la démocratie, en plus d’être une nomenclature de belles dispositions, a besoin d’hommes de valeur conscients de leurs responsabilités pour l’incarner ».
De l’avis du coordonnateur du Forum social sénégalais (FSS), Mamadou Mignane Diouf, « l’exception sénégalaise n’en serait pas une comparée à des pays voisins proches comme le Cap-Vert, marqué par des alternances démocratiques sans tambours ni trompettes ».
« On oublie de dire qu’à chaque élection au Sénégal, il y a eu des pertes en vies humaines », a-t-il dit, ajoutant que si la démocratie existe au Sénégal, celle-ci serait « le fait non pas des acteurs politiques, mais de la population toujours ancrée dans les valeurs ancestrales de solidarité, de paix et de communion ».
La juriste Fatima Zahra Sall, membre du mouvement « Oser l’avenir », se dit elle persuadée que « pour conserver une démocratie digne de ce nom, c’est au peuple à qui revient le pouvoir’’ d’agir et d’exercer ses droits « à travers des institutions fortes ».
Et Mame Marième Thiam de l’Alliance pour la République (APR), le parti présidentiel, d’abonder dans le même sens, en notant que « conformément à la définition classique de la démocratie, c’est au peuple de s’engager sur tout le processus pour imposer cette démocratie’’, en misant notamment sur la citoyenneté.
(Source : APS)
Par BN