Le maire de Mermoz Sacré-Coeur, Barthélémy Dias, comparait ce jeudi devant le tribunal correctionnel de Dakar. Inculpé de meurtre après la mort de Ndiaga Diouf, il a vu l’infraction retenue contre lui disqualifiée en “coups mortels” ou encore “coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner”. Un infraction qui peut lui valoir jusqu’à 5 ans de prison. Retournera-t-il en prison ? Le juge et ses deux assesseurs en décideront. En tout cas, il a déjà passé près de 5 mois à la prison de Rebeuss. 147 jours de “captivité”, selon ses partisans. Chronique d’une affaire à rebondissements.
JEUDI 22 DECEMBRE 2011– Dans la matinée, 4 pick-up remplis de nervis quittent la permanence du Parti démocratique sénégalais (Pds) pour se positionner devant la mairie de Mermoz Sacré-Cœur. Barthélémy Dias, muni de pistolets, s’interpose. Des échauffourées, filmées par un caméraman de la Télévision Futurs Médias (Tfm), s’ensuivent. Et Barthélémy Dias dégaine et tire des coups de feu. Quelques minutes plus tard, la mort de l’un des nervis, Ndiaga Diouf, est annoncée. Atteint par balle, il est passé de vie à trépas au cours de son évacuation au centre hospitalier universitaire (Chu) de Fann. Barthélémy fait une sortie devant les caméras de la Tfm et avoue avoir tiré et atteint trois personnes. Plus tard, il se ravise et soutient n’avoir tué personne.
SAMEDI 24 DECEMBRE 2011– Barthélémy Dias est arrêté par la Sureté Urbaine du commissariat central de Dakar. La police lui impute la mort de Ndiaga Diouf. La veille, il est convoqué, interrogé et acheminé chez lui pour récupérer les armes qu’il a utilisées. Des armes qu’il détenait et qui sont visibles sur l’enregistrement réquisitionné de la Tfm. Barthélemy remet une de ses armes, une Taurus 9 millimètres, pour laquelle il détient une autorisation de port d’arme. Il soutient que l’autre arme utilisée est factice, mais ne la remet pas aux enquêteurs. Ce n’est qu’après son audition dans le fond par le Doyen des juges qu’il accepte de remettre cette «arme factice». Le revolver qui a tué Ndiaga Diouf n’a, à ce jour, pas été retrouvée.
Alors qu’il est en garde à vue, ses partisans produisent à la police des photos montrant un des assaillants faisant mine d’user d’un pistolet. Preuve, selon eux, qu’il y a un autre tireur.
MERCREDI 28 DECEMBRE 2011– Après une garde à vue de 96 heures, Barthélémy Dias est déféré au parquet. Le procureur de l’époque, Ousmane Diagne, rédige un réquisitoire introductif et confie le dossier sur la mort de Ndiaga Diouf et l’attaque de la mairie de Mermoz Sacré-Cœur au Doyen des juges. Mahawa Sémou Diouf l’inculpe d’«homicide volontaire, coups et blessures et port d’arme sans autorisation» et le place sous mandat de dépôt à la maison d’arrêt de Rebeuss. Il devient un pensionnaire de la chambre n°43 de la prison de Rebeuss. Barthélémy Dias est accompagné en prison par l’un de ses gardes du corps Habib Dieng. Les commentaires vont bon train. L’Union des magistrats du Sénégal (Ums), par la voix de son président, Abdoul Aziz Seck, monte au créneau pour dire que la justice fera son travail «en toute impartialité».
Pour la manifestation de la vérité, le Doyen des juges donne délégation judiciaire à la Sûreté Urbaine qui a mené l’enquête préliminaire pour qu’elle continue ses investigations et confie des mandats d’arrêt à la Section de recherches de la gendarmerie.
VENDREDI 6 JANVIER 2012– La gendarmerie met la main sur deux gardes du corps du Président Abdoulaye Wade, en l’occurrence Baye Moussé Bâ alias «Bro» et Sémou Niakhar Diouf, ainsi que deux nervis, Bocar Sy et Cheikh Diop. La Section de recherches de la gendarmerie les dépose à la prison de Rebeuss. Les agents de l’administration pénitentiaire les acheminent le même jour auprès du Doyen des juges qui place Baye Moussé Bâ «Bro» et Sémou Niakhar Diouf sous contrôle judiciaire. Quant aux nervis, ils ont été placés sous mandat de dépôt et réexpédiés à Rebeuss.
Le même jour, Babacar Faye, l’un des gardes du corps de Barthélémy Dias, est arrêté à Fimela (région Fatick) où il s’était caché par la gendarmerie de la localité et transféré à Dakar. Il rejoint les autres en prison, le lundi.
LUNDI 30 AVRIL 2012– Le maire de Mermoz-Sacré cœur, bien qu’en prison, est investi sur la liste proportionnelle de la coalition «Benno Bokk Yaakaar» pour les élections législatives du 1er juillet. Une manière de faire pression sur la justice, selon les «bonnes langues».
MERCREDI 02 MAI 2012- Barthélémy Dias est auditionné dans le fond par le Doyen des juges. Toutes les demandes de mise en liberté provisoire déposées par ses avocats avaient été rejetées au motif que ces demandes sont prématurées, puisque l’inculpé n’avait pas été auditionné dans le fond. Ce qui avait obligé ses avocats à saisir la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour demander sa «libération immédiate».
Extrait de la cellule n°43 de la prison de Rebeuss, Barthélémy Dias réfute toutes les accusations portées à son encontre, soutenant qu’il n’a pas tiré la balle qui a atteint mortellement Ndiaga Diouf.
MARDI 15 MAI 2012- Après Barthélémy Dias, les deux gardes du corps du maire de Mermoz-Sacré-Cœur ont été extraits de leur cellule de la Maison d’arrêt de Rebeuss pour s’expliquer sur les coups de feu tirés après l’attaque par des nervis à la solde du Parti démocratique sénégalais (Pds), de la mairie de Mermoz Sacré-Cœur, et qui ont causé la mort de l’un des assaillants, Ndiaga Diouf. De 10 à 18 heures, les deux gardes du corps de Barthélémy Dias ont répondu aux questions du juge d’instruction. Après cette audition, leurs avocats, Me Khouraïchi Bâ, Aïssata Tall Sall, Moustapha Mbaye, Moussa Bocar Thiam, entre autres, ont déposé des demandes de mise en liberté provisoire, comme ils l’avaient fait pour le patron des jeunesses socialistes, Barthélemy Dias, qui a été entendu avant eux sur le fond du dossier.
MERCREDI 16 MAI 2012- Les deux gardes du corps, Habib Dieng et Babacar Faye, deux gardes du corps de Barthélémy Dias soupçonnés d’avoir participé au meurtre de Ndiaga Diouf, ainsi que Bocar Sy et Cheikh Diop, deux nervis arrêtés dans le cadre de l’attaque de la mairie de Mermoz-Sacré cœur le 22 décembre dernier, sont libérés. Le Doyen des juges, Mahawa Sémou Diouf, leur a accordé la liberté provisoire après avis favorable du Procureur, Ousmane Diagne.
MARDI 22 MAI 2012- Barthélémy Dias obtient la liberté provisoire. La notification est faite à ses avocats et à l’administration pénitentiaire. Une levée d’écrou est ainsi signée en sa faveur dans la soirée. Et le voilà qui quitte sa cellule pour retrouver les siens, à Sicap Baobab.
Cinq ans après, Bathélémy Dias et ses deux gardes du corps sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Dakar pour jugement. Les faits de meurtre pour lesquels ils ont été inculpés ont été disqualifiés en coups mortels (coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner).